Hubertine Auclert, la première féministe
Suite à cette épisode tragique, Hubertine, qui est très croyante, envisage de devenir religieuse chez les sœurs de Saint Vincent de Paul, mais n'y est pas acceptée. Elle quitte le couvent en 1864 alors qu’elle a seize ans, pour rejoindre la maison de son oncle où réside également sa mère. À la mort de sa mère, en 1866, elle est placée par son frère dans un couvent à Montluçon. Jugée trop indépendante par les religieuses, elle est écartée une seconde fois de la vie monacale en 1869. Ce rejet qu'elle estime injustifié fait surgir en elle un ressentiment d’hostilité envers le Clergé.
Son combat
Désormais libre et matériellement indépendante (elle toucha un héritage de ses parents), Hubertine Auclert se mobilise pour la République et le droit des femmes, militant pour la révision des lois du code Napoléon. Elle déclare alors :
« J'ai été presque en naissant une révoltée contre l'écrasement féminin, tant la brutalité de l'homme envers la femme, dont mon enfance avait été épouvantée, m'a de bonne heure déterminée à revendiquer pour mon sexe l'indépendance et la considération ». Ce sont « les échos des discours prononcés aux banquets périodiques organisés par Léon Richer qui, presque à ma sortie du couvent, m'ont fait venir du Bourbonnais à Paris combattre pour la liberté de mon sexe ».
Elle monte à Paris alors au lendemain de la chute de Napoléon III et de l'avènement de la Troisième République. Ces évènements ouvrent la voie à l’activisme des femmes qui exigent des changements dans le code Napoléon. Elles sont en faveur de l'éducation, de l'indépendance économique pour les femmes, du divorce, du droit de vote, etc.
Hébergée chez sa sœur, Hubertine Auclert rejoint l'Association pour le droit des femmes. Celle-ci est dissoute en 1877 mais renaît sous le nom de Ligue française pour le droit des femmes avec Victor Hugo comme président d'honneur, Léon Richer et Maria De Raismes comme clef de voûtes. Elle devient, semble-t-il, la première militante française à se déclarer « féministe ».
Alors que le mouvement féministe français oriente majoritairement son action sur le régime civil des femmes, Auclert exige pour les femmes le droit de se présenter aux élections. Selon elle, le régime civil inégal entre hommes et femmes n'aurait en effet pas été voté si les femmes avaient pu être présentes à l'Assemblée. En 1876, elle fonde la société Le droit des femmes qui soutient le droit de vote pour les femmes et qui devient en 1883 la société Le suffrage des femmes.
Hubertine Auclert lance au printemps 1877 un appel aux femmes de France : « Femmes de France, nous aussi nous avons des droits à revendiquer : il est temps de sortir de l'indifférence et de l'inertie pour réclamer contre les préjugés et les lois qui nous humilient. Unissons nos efforts, associons-nous ; l'exemple des prolétaires nous sollicite ; sachons nous émanciper comme eux ! ». Malgré cela, en 1878, le Congrès International sur les droits des femmes tenu à Paris ne soutient pas, à sa plus grande contrariété, le suffrage des femmes.
Elle décide alors de se tourner vers le mouvement socialiste et participe au troisième Congrès national ouvrier, qui se tient à Marseille à la fin d'octobre 1879. Elle y fait un long rapport où elle indique : « Une République qui maintiendra les femmes dans une condition d'infériorité ne pourra pas faire les hommes égaux ». L'avertissement est clair, mais ne reçoit que peu d'écho.
Résolue, elle entame, à partir de 1880, une grève de l'impôt en défendant l’idée que, faute de représentation légale, les femmes ne devraient pas être imposables. Un de ses conseillers juridiques est l’avocat Antonin Lévrier qu’elle épousera en 1887. Le 8 avril 1881, la haute juridiction administrative rejette sa requête et Hubertine Auclert doit céder quand les huissiers apposent les scellés à son domicile.
Le 13 février 1881, elle lance « La Citoyenne », un journal qui, plaidant avec force pour la libération féminine, reçoit le soutien de l’élite du mouvement féministe comme Séverine (Caroline Rémy), et la non moins célèbre mondaine Marie Bashkirtseff, qui y écrit plusieurs articles. En 1884, Hubertine Auclert dénonce la loi sur le divorce car elle ne permettait pas aux femmes de garder leur salaire. Elle propose l’idée alors radicale d’un contrat de mariage entre conjoints avec séparation de biens.
Hubertine Auclert innove encore dans le combat féministe en réclamant la féminisation de certains mots (témoin, avocat, électeur, député, etc.). « Quand on aura révisé le dictionnaire et féminisé la langue, chacun de ses mots sera, pour l'égoïsme mâle, un expressif rappel à l'ordre ».
En 1888, elle s’établit pour quatre ans avec son mari, Pierre Antonin Lévrier, en Algérie afin de mener une enquête de terrain en observant les femmes de ce pays. Elle retourne à Paris après ces années. Contrainte pour des raisons financières de mettre un terme à l'expérience de La Citoyenne, son journal, Auclert continue néanmoins son activisme. Elle collabore au journal La Libre Parole d'Édouard Drumont en 1894. En 1900, elle fait des fondatrices du Conseil National des Françaises, une organisation pour les groupes féministes français qui devait bientôt soutenir le vote des femmes.
En 1908, les Françaises mariées ont finalement reçu le contrôle de leurs propres salaires mais, à l’âge de 60 ans, Auclert continue de revendiquer l’égalité complète. Ainsi, cette année-là, elle brise symboliquement une urne à Paris lors des élections municipales. Le 24 avril 1910, de concert avec Marguerite Durand, elle se présente comme candidate aux élections législatives, imitée par deux autres femmes, Renée Mortier et Gabrielle Chapuis. Malheureusement, leur candidature n'est pas retenue.
Rendre hommage à Jeanne d'Arc, et en faire un symbole de la lutte des féministes, fait partie de ses arguments : « Jeanne d'Arc fut la personnification du féminisme, elle ne tint compte ni des usages, ni de l'autorité des puissants, et elle usa, malgré les hommes, des droits des hommes pour sauver le pays ».
Considérée comme une figure centrale dans l’histoire du mouvement des droits des Françaises, Hubertine Auclert a poursuivi son activisme jusqu’à sa mort. Elle est inhumée au cimetière du Père-Lachaise (division 49) à Paris, juste en face de la tombe d'Honoré de Balzac. La sculpture sur sa sépulture commémore le « suffrage des femmes ».

Hubertine Auclert est née le 10 avril 1848 à Saint-Priest-en-Murat et est décédée le 4 août 1914 à Paris. Elle est journaliste et écrivaine, en plus d’être une militante féministe française qui s'est battue en faveur de l’éligibilité des femmes et de leur droit de vote. C’est une pionnière du féminisme en France et dans le monde.
Marie Anne Hubertine Auclert, aussi appelée plus simplement Hubertine Auclert, est issue d’une famille aisée. Elle est la cinquième enfant d'une fratrie de sept et vient au monde au hameau de Tilly de la commune de Saint-Priest-en-Murat, en Allier. Son père s’appelle Jean Baptiste Auclert (1803-1861), c’est un riche fermier républicain. Il devient maire de la commune à l'avènement de la Deuxième République en 1848, et, destitué après le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte en décembre 1851, demeure un implacable opposant au Second Empire. Sa mère manifeste également ses propres convictions et lui montre très tôt comment se révolter à l'autorité établie en se consacrant aux filles-mères (alors rejetées par leurs familles) pour les aider à trouver du travail.
Alors qu’elle suit sa scolarité dans une pension de religieuses à Montmarault, qu’elle rejoint à l'âge de neuf ans, elle perd malheureusement son père à l’âge de treize ans.

